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Quelle école voulons-nous ?

Les questions ci-dessous ont été posées aux deux principaux candidats au Conseil d'Etat le 24 octobre 2004.

 

Martin CHEVALLAZ

Rassemblement
du centre-droite vaudois

Pierre-Yves MAILLARD

Parti socialiste vaudois

De nombreux pays ont renoncé à une école qui sélectionne les élèves en filières avant la fin de la scolarité obligatoire. Ces pays obtiennent de bons résultats (supérieurs notamment à ceux obtenus par l’école vaudoise).

Comment aborder cette question ?

Je suis de l’avis que la sélection des élèves en filières avant la fin de la scolarité obligatoire doit être maintenue.

Ceci étant, il s’agit prioritairement de redéfinir les objectifs (connaissances et compétences) de la scolarité obligatoire en favorisant le fond de toute culture : la lecture, l’écriture et le calcul élémentaire. Puis, dans un souci de simplification, de revoir les structures (voies, options spécifiques) des degrés 7/8/9
Il y a deux débouchés aujourd’hui après l’école obligatoire : la voie des études supérieures et la voie de la formation professionnelle. Il n’y a presque plus de perspectives pour ceux qui ne passent pas par la formation professionnelle, menace qui guette ceux qui sont à tort disqualifiés parce qu’ils sortent de « terminale ». C’est pourquoi je suis partisan du passage de trois filières à deux filières, pourvu que les effectifs légaux soient alignés sur ceux de la terminale à options. Les études montrent que des systèmes précocement élitaires sont plus coûteux et donnent de moins bons résultats.

Une formation obligatoire jugée inadéquate et des difficultés à trouver des places d’apprentissage en nombre suffisant ont conduit à la création de l’OPTI, qui doit maintenant gérer plus de 1000 élèves par année

Comment rompre ce cercle infernal ?

Il s’agit d’une part de revoir les critères d’admission dans les écoles de formation subséquentes à la scolarité obligatoire et les conditions d’engagement des apprentis (es)

D’autre part, d’augmenter le nombre des entreprises formatrices par l’introduction de mesures incitatives (de reconnaissance publique ou financière dans le sens où le fait d’engager des apprentis et de les former serait bien davantage reconnu par l’intermédiaire de déductions fiscales pour l’entreprise, etc)
Il y en a même 1400 inscrits en 2004,le chiffre croît de manière exponentielle. C’est l’un des problèmes les plus graves du canton. Je soutiens les mesures du Conseil d’Etat. Pour aller plus loin, il faut plus de places d’apprentissage. A la FTMH nous avons, avec le centre patronal, créé un fonds cantonal obligatoire pour créer des places d’apprentissage dans les métiers de l’industrie. Ce projet a été approuvé par le Grand Conseil et est bloqué aujourd’hui par des recours de grandes entreprises pour des raisons purement idéologiques. Ces oppositions seront levées et nous irons de l’avant. Il faut aussi créer plus de places en écoles des métiers. Encourager les solutions paritaires comme celle que nous avons lancée. Une moindre sélectivité de l’accès à la formation post-obligatoire est aussi à souhaiter.

Alors que la moyenne suisse et celle des pays de l’OCDE est d’environ 3% d’élèves éduqués et instruits hors de la scolarité « ordinaire », le Canton de Vaud en atteint un taux de plus de 10%, notamment via l’enseignement spécialisé …

Faut-il s’attaquer à cette question et si oui, comment la résoudre ?

Le fait que ces enfants soient scolarisés dans une structure spécialisée ne favorise pas la comparaison entre cantons et pays. Chez nous, leur appartenance à l’enseignement spécialisé les rend identifiables. Mais là n’est pas l’essentiel : leur maintien ou réintégration dans une structure scolaire standard est à explorer, non dans le but d’améliorer artificiellement les statistiques, mais dans celui de favoriser au mieux le développement de chaque enfant en difficulté scolaire.

D’une façon générale, je souhaite que l’on s’inspire davantage du « modèle nordique », caractérisé par une promotion active du pluralisme scolaire et de l’autonomie des établissements, respectivement des enseignants(es) eux-mêmes (elles-mêmes), tant à l’intérieur du réseau public que dans le domaine privé. La personnalité et la compétence de chacun(e) doivent être bien davantage respectées que ce n’est le cas aujourd’hui et non constamment entravées par de toujours nouvelles directives et autres expérimentations.
Oui, je suis partisan d’une intégration des élèves en difficulté ou avec handicap dans les classes « ordinaires », mais dans une approche nuancée. Par exemple il est bon que des élèves allophones disposent pendant quelques mois de classes spéciales d’apprentissage du français. Mais le but doit être l’intégration. Pour y arriver il faut des effectifs bas dans les classes « normales ».

Les méfiances entre les familles et l’école semblent s’exacerber…

Comment donner une place adéquate aux parents dans l’école ?

La place adéquate des parents n’est pas dans l’école, mais à côté de l’école. Leur rôle est complémentaire.

Par le biais des commissions scolaires ou des conseils d’établissements, favoriser l’interface école-famille et développer la collaboration.
L’école doit entendre et consulter les parents, mais à la fin je suis partisan d’une certaine autonomie de décision de l’institution. Cela implique une grande responsabilité, une rigueur et une certaine bienveillance dans ces décisions. Mais la négociation ne me semble pas devoir devenir le mode privilégié de relation entre l’école et les parents pour ce qui concerne les décisions individuelles. C’est évidemment différent pour les décisions politiques.

La Confédération propose l’enseignement de l’allemand et de l’anglais dès la 5ème année de l’école obligatoire 

Comment envisager cette question ?

L’apprentissage d’une langue étrangère ne dépend pas seulement de l’âge auquel commence cet apprentissage. Prioritairement, je favoriserais l’optimisation de la situation actuelle (allemand dès la 5e, sensibilisation dès la 3e, anglais dès la 7e) par l’application de méthodes d’apprentissages performantes et régulièrement actualisées. L’apprentissage de la langue nationale majoritaire est à mes yeux prioritaire, elle permet au jeune de s’ouvrir vers une autre culture dont la méconnaissance fragilise toujours davantage notre intégration au monde qui nous entoure.
A priori, je préfère que l’on se concentre sur l’apprentissage précoce d’une langue. La 5ème paraît un peu tôt pour deux langues. La question de l’apprentissage des langues et complexe. Une promotion systématique, avec des moyens fédéraux, des échanges linguistiques pendant l’apprentissage ou le secondaire 2 seraient un moyen plus efficace que la multiplication des apprentissages précoces.

La Fondation Avenir Suisse propose de rendre l’école enfantine obligatoire et ceci dès l’âge de 3 ans…

Cette proposition vous semble-t-elle raisonnable ? Si oui, comment la réaliser ?

Non. Il s’agit de ne pas confondre école et garderie. Chacune a un rôle spécifique à jouer. En réponse au besoin constaté, ce sont ces structures dans leur particularité qui doivent être développées.
Avenir Suisse devrait avant de proposer de telles réformes renoncer aux baisses d’impôts qu’ils demandent sur tous les tons. Je suis pour un allongement du droit à l’école obligatoire (plus que les 1(2) + 9 ans actuels). Faut-il commencer plus tôt ou finir plus tard ? C’est à débattre, mais en tous les cas il faut des moyens.

Le Canton de Vaud est le seul canton romand qui commence l’école secondaire en 5ème année (plurimagistralité et orientation sur 2 ans)…

N’est-il pas temps de coordonner l’école romande sur le plan de ses structures ?

La primarisation des 5e et 6e degrés ne m’apparaît pas comme étant une priorité. Encore faudra-t-il avant de décider en mesurer toutes les conséquences. Cette question renvoie à la question 2 : simplifier et harmoniser les structures de l’école obligatoire.
Oui, mais je ne suis pas contre la plurimagistralité à partir de la 5ème. Elle peut être atténuée, mais elle a des avantages.

Certains proposent que la formation et le statut des enseignant-es du primaire et du secondaire I soient identiques (un seul statut pour les enseignant-es de l’école obligatoire)…

Comment vous situer vous face à cette proposition ?

La double différence ne se justifie plus : maîtres brevetés et maîtres licenciés s’adressent souvent aux mêmes élèves et font souvent les mêmes tâches. Par la HEP, les formations de maîtres (généralistes, semi-généralistes et spécialistes) se rapprochent sensiblement. Cependant, la durée de la formation reste différente. C’est pourquoi, je suis acquis à l’harmonisation du statut horaire tout en conservant un statut salarial différent.

Cette démarche doit être progressive. Les enseignements d’enseignants spécialistes titulaires d’une licence universitaire ne doivent pas disparaître du secondaire 1.

L’harmonisation passe par une révision de la formation des maîtres. Si les statuts doivent être identiques, il faut que les formations soient équivalentes. J’ai vu naître la HEP avec scepticisme. Je suis plus favorable à une intégration de la formation pédagogique à l’université, avec des stages pratiques fréquents. Les conditions d’accès à un tel cursus pédagogique universitaire devraient être assouplies pour ne pas écarter complètement les personnes qui viennent de l’école de degré diplôme dans ce métier.

Alors que le Canton semble incapable de sortir de sa crise financière…

Où faut-il couper dans l’école et la formation?

Personnel:

  • Diminuer le poids et donc le nombre des états-majors et autres concepteurs ou conseillers pédagogiques pour redonner confiance et indépendance aux enseignants qui exercent leur vocation et travaillent dans un quotidien aujourd’hui toujours plus difficile.

  • Freiner les programmes de formation complémentaire et de rééducation qui souvent déstabilisent davantage les enseignants(es) qu’ils ne les renforcent.

Organisation de l’école :

  • simplifier les structures

  • revoir les grilles horaires

Il ne faut pas couper. On l’a fait en suffisance. Des réallocations internes sont en revanche possibles. Passer à deux filières et baisser les effectifs par exemple, ou revoir la grille des salaires et les mécanismes de progression pour une plus grande équité.

De manière générale, il faut absolument trouver des recettes fiscales supplémentaires auprès des catégories de la population qui se sont massivement enrichies ces quinze dernières années.

Des statistiques semblent indiquer que la proportion de Musulman-es augmente de manière régulière dans notre pays…

Quelles mesures préconisez-vous pour favoriser l’intégration des enfants de cette communauté à l’école ?

Accueil et tolérance par une meilleure attention portée à leur culture, mais aussi respect des us et coutumes de notre pays, respectivement sensibilisation aux valeurs spirituelles en général et chrétiennes en particulier.
Une religion quelle qu’elle soit devient un problème pour l’école quand elle s’oppose à ses valeurs d’égalité et de tolérance. Cela peut toucher certaines dérives musulmanes, mais aussi les intégrismes d’autres religions ou de sectes. Au sujet de la religion musulmane, le statut des jeunes filles peut entrer en opposition avec les valeurs de l’école. Je suis partisan d’une rigueur pragmatique. C’est-à-dire que moyennant des délais d’intégration, les jeunes filles musulmanes suivent toutes les disciplines et ne subissent pas d’entraves vestimentaires.

Beaucoup disent qu’il faut ouvrir l’école sur le monde réel…

Dès lors, comment vous situez-vous face à la proposition qui consisterait à offrir aux écoles la gratuité des transports publics, des musées et des expositions ?

La situation financière des entreprises de transport publics tout comme la sensibilisation des jeunes au fait que de telles prestations doivent être rétribuées m’incitent à ne pas entrer en matière sur la gratuité des transports publics.

Pour ce qui est de la gratuité des musées et des expositions, il faut observer que ces instituions pratiquent aujourd’hui déjà des tarifs attractifs pour les écoles.
Peut-être que de telles mesures, en cas de visites scolaires, n’occasionneraient pas de coûts exorbitants et par la sensibilisation des élèves apporteraient une clientèle future aux musées et expositions. J’y suis donc plutôt favorable. Mais il faudrait évaluer.

Pour tout contact : spvaud@bluewin.ch

Site web : http://www.spv-vd.ch/